Une femme admirable : Elisabeth Eidenbenz
Elisabeth Eidenbenz est née en Suisse en 1913. Fille d'un pasteur, elle fut tout
d'abord institutrice et membre d'une association d'aide aux enfants en guerre.
En 1937, âgée de 24 ans, elle part en Espagne afin d'aider les familles
victimes de la guerre civile espagnole (à Madrid puis à Valence). En 1939,
les réfugiés espagnols arrivent en France par milliers. On les parque dans des
camps précaires sur les plages du Roussillon (Argelès-sur-mer, Saint-Cyprien,
Rivesaltes...). Les mères accouchent dans des conditions effroyables,
la mortalité des bébés est très élevée.
Émue par le sort de ces femmes enceintes et de ces jeunes mères, Elisabeth
Eidenbenz décide alors de fonder une maternité pour les accueillir.
Il lui faut un local : le château d'en Bardou, à Elne, fera l'affaire. La bâtisse
est à l'abandon, la toiture est en partie effondrée, la végétation a tout envahi.
Grâce aux réfugiés hébergés à Saint-Cyprien (à 10 km d'Elne) et aux fonds
provenant de Suisse, les travaux essentiels seront faits et la Maternité
va ouvrir ses portes le 7 septembre 1939.
Aujourd'hui, la Maternité d'Elne se visite.
Le bâtiment a été très restauré et la partie centrale est récente :
À l'intérieur, peu d'éléments d'époque.
L'escalier avec sa rambarde rouillée :
Une cheminée et quelques sols d'origine :
Une porte avec son beau vitrail :
La verrière pour accéder aux terrasses, bien utiles pour faire sécher les légumes :
Selon les périodes, 80 à 100 personnes vivront jour et nuit à la Maternité.
Un grand potager et des vergers permettront d'assurer une alimentation
régulière et diversifiée. Le 8 février 1943, Elisabeth écrivait :
« Ces femmes sont en général mal nourries, sous-alimentées et très fatiguées. Grâce
à un magnifique envoi de la maison Sandoz à Bâle, nous pouvons donner du calcium
à toutes les femmes enceintes... Elles étaient très émues de se voir dans un endroit
propre, devant des plats pleins et entourées d'une atmosphère de sympathie... »
Chaque pièce du bâtiment porte le nom d'une ville d'Espagne, permettant aux
femmes déracinées de se souvenir d'une région de leur pays.
Pour fonctionner, la Maternité suisse d'Elne dut s'associer à la Croix-Rouge.
Et qui dit Croix-Rouge, dit politique de neutralité.
597 enfants vont naître à Elne.
C'est très émouvant de voir la liste de tous ces enfants qui ont échappé
à une mort certaine grâce au courage d'une femme :
Elisabeth alla jusqu'à braver les interdits pour sauver les mamans juives
et leurs enfants, les cachant ou les déclarant avec des prénoms espagnols.
En 1944, face à l'intensification de la guerre, la Gestapo réquisitionne le château.
Le 9 avril 1944, la Maternité suisse d'Elne est fermée.
Elisabeth rentra en Suisse en 1945. Son contrat ne fut pas renouvelé sous le motif
d'« incompétence ». Elle payait sa désobéissance aux consignes de la Croix-Rouge.
Aujourd'hui, la Maternité d'Elne est devenue un lieu de mémoire.
Les photos exposées racontent l'histoire peu connue de cette femme
admirable secondée par des infirmières dévouées et l'histoire de ces
centaines d'enfants qui ont échappé à la mort.
Vous pouvez voir d'autres photos ICI.
Et vous pourrez approfondir le sujet avec ce livre :
Elisabeth Eidenbenz fut reconnue « Juste parmi les nations » en 2002. C'est
la plus haute distinction honorifique délivrée par l'État d'Israël à des civils.
Elle est décédée le 23 mai 2011.